Lors de la Journée Technique, François TOUTLEMONDE, Président des commissions AFNOR P18B (béton) et P18C (constituants du béton), et représentant de l’Université Gustave Eiffel, a proposé une intervention approfondie consacrée à l’évolution de la norme béton face à l’intégration de constituants non traditionnels.
Son exposé a permis d’éclairer les enjeux techniques, normatifs et organisationnels qui conditionnent l’usage de ces nouveaux matériaux dans un contexte de transition environnementale accélérée.
Un cadre normatif sous tension entre innovation et sécurité
Dans un contexte où la filière se trouve sous forte pression pour décarboner rapidement, les liants bas carbone (LBC) et les additions issues de ressources alternatives — argiles activées, fillers recyclés, poudres de verre, biochar, sous-produits industriels valorisés — apparaissent comme des leviers immédiats.
Cependant, comme l’a rappelé François TOUTLEMONDE, leur intégration se heurte à plusieurs contraintes techniques et réglementaires :
La norme NF EN 206 repose historiquement sur :
- des combinaisons cimentaires éprouvées,
- un retour d’expérience massif permettant de démontrer la durabilité en service,
- des conditions garantissant une présomption d’assurabilité, essentielle pour les acteurs opérationnels.
L’introduction de constituants nouveaux remet en cause ces fondements, notamment en termes de :
- cinétique d’hydratation,
- résistance mécanique à jeune âge,
- durabilité vis-à-vis des classes d’exposition (XC, XS, XF, etc.),
- compatibilité avec les méthodes de contrôle de conformité.
Des injonctions contradictoires entre rapidité et rigueur
Les pouvoirs publics et les maîtres d’ouvrage demandent une innovation rapide, mais la normalisation exige :
- des preuves,
- des essais sur cycles longs,
- une analyse de risque complète,
- des données de service fiables.
Cette tension entre urgence environnementale et exigence de robustesse structure l’ensemble des débats techniques.
La future NF EN 206+A2/CN:2025 : une architecture d’équilibre
François TOUTLEMONDE a présenté la position d’équilibre adoptée pour la prochaine version de la norme, qui introduit un dispositif structuré d’intégration des constituants non traditionnels.
Un pilier central : le fascicule technique FD P 18-484
Ce fascicule repose sur une méthodologie détaillée permettant de constituer un dossier technique complet, incluant :
- caractéristiques physico-chimiques du constituant,
- constance de fabrication et traçabilité,
- compatibilité avec les ciments existants,
- essais de durabilité en lien avec les classes d’exposition,
- comportement en formulation, mise en œuvre et cure,
- justification des performances à court et long terme.
Trois régimes d’évaluation prévus par la nouvelle norme
- Constituants disposant déjà d’une norme produit → intégration facilitée
- Constituants bénéficiant d’une ETE (Évaluation Technique Européenne) → reconnaissance encadrée
- Constituants sans norme ni ETE → dossier technique obligatoire, basé sur FD P 18-484
Dans ce dernier cas, la norme prévoit que le béton utilisant ces constituants n’est pas conforme tant que le référentiel d’évaluation associé n’est pas formellement établi. Ce point marque une avancée majeure en matière de clarté et de sécurité.
Vers une distinction précise : aptitude générale vs aptitude particulière à l’emploi
La présentation a également insisté sur une clarification fondamentale :
- Aptitude générale à l’emploi : capacité du constituant à être utilisé dans un béton, sous conditions génériques.
- Aptitude particulière à l’emploi : validité pour un domaine d’application spécifique (type d’ouvrage, classe d’exposition, performance mécanique, contraintes de mise en œuvre).
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