Lors de la Journée Technique AFOCO 2025, Corentin Weber, Ingénieur en valorisation des déchets industriels, Norske Skog Golbey et Séverine Philippe, Directrice technique, Terrag France ont présenté une démarche innovante : transformer les cendres issues de l’incinération des boues de désencrage en un matériau de traitement de sol bas carbone, capable de remplacer partiellement la chaux, plus émissive.
Un site papetier au cœur de la transition écologique
Norske Skog Golbey est aujourd’hui le premier recycleur de papiers et cartons de France, avec une capacité de production de 850 000 tonnes de papier par an et un approvisionnement majoritairement issu de la collecte sélective française.
L’entreprise a engagé depuis plusieurs années une stratégie ambitieuse reposant sur trois piliers :
- maintenir un cœur de métier industriel performant,
- diversifier ses activités vers des marchés en croissance,
- développer des projets alignés avec la transition écologique.
Parmi ces projets, la gestion des déchets joue un rôle central. Les cendres produites par l’incinération des boues se sont enrichies en chaux, ouvrant de nouvelles possibilités de valorisation.
Des cendres riches en chaux : une opportunité pour les techniques routières
L’augmentation du carbonate de calcium dans les boues de désencrage entraîne la production de cendres à fort potentiel liant.
Cette singularité a conduit Norske Skog et Terrag à explorer une filière innovante : leur utilisation en traitement de sol.
Cette démarche se structure autour de trois axes :
- une analyse technique et géotechnique approfondie,
- une évaluation environnementale rigoureuse,
- une conformité stricte au cadre réglementaire.
L’ensemble de la démarche est conduite en collaboration avec le CEREMA.
Phase 1 : le matériau 100 % cendres volantes hydratées – une piste rapidement écartée
Les premiers tests ont consisté à expérimenter des échantillons composés uniquement de cendres volantes hydratées.
Les résultats ont montré :
- une réaction exothermique intense, atteignant 50 à 60°C en quelques minutes,
- un gonflement important,
- l’apparition de fissures.
Conclusion : les usages de cendres pures hydratées sont incompatibles avec les couches de forme, les assises de chaussée ou les sous-dallages.
Phase 2 : l’utilisation des cendres en traitement de sol, des résultats prometteurs
L’étude suivante s’est concentrée sur l’intégration de 6 % de cendres dans des sols destinés à des ouvrages de remblais et d’arase.
Au plan géotechnique :
Les essais IPI et CBR ont confirmé la faisabilité technique.
Le comportement du matériau traité répond aux critères du Guide de Traitement des Sols (GTS).
Au plan environnemental :
Les tests de lixiviation statique et dynamique démontrent l’absence de substances préoccupantes telles que COT, BTEX, PCB, HAP ou dioxines ou métaux lourds.
Conclusion de la phase 2 :
- Les applications en remblais et en arase sont validées pour des usages A2/T2,
- Les applications en couche de forme nécessitent des études complémentaires mais présentent un potentiel intéressant.
Phase 3 : validation sur chantiers pilotes
La dernière étape consiste à appliquer industriellement le procédé via des chantiers expérimentaux menés en partenariat avec Terrag France.
Sous supervision du CEREMA et de la DREAL, un protocole strict est suivi :
- définition des zones d’échantillonnage,
- analyses géotechniques et environnementales,
- suivi de la mise en œuvre (épandage, malaxage, nivelage, compactage).
Cette expérimentation permet de vérifier la faisabilité opérationnelle et la reproductibilité du procédé dans des conditions réelles.
Un exemple concret d’économie circulaire au service du BTP
La démarche Norske Skog Golbey – Terrag illustre la capacité de l’industrie à transformer un déchet contraignant en ressource utile.
Les avantages sont multiples :
- réduction du recours à la chaux et donc de l’empreinte carbone,
- préservation des ressources naturelles,
- valorisation d’un flux de déchets local,
- création de filières territoriales innovantes.
Mais certains défis persistent :
- contraintes logistiques liées à l’ETP et aux capacités de production,
- restrictions environnementales liées aux zones d’application,
- usages encore limités à certains types de chantiers,
- augmentation du transport routier.
Malgré ces limites, la solution représente une alternative viable, compétitive et alignée avec les objectifs de durabilité.
Cette étude montre comment une contrainte industrielle, la gestion des cendres de combustion, peut devenir une opportunité pour le secteur du BTP, grâce à une approche circulaire et collaborative.
Norske Skog Golbey et Terrag France démontrent qu’il est possible d’allier innovation technique, bénéfice environnemental et création de valeur locale.
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